dimanche 31 janvier 2010

continuons de bousculer le réel

Je vous invite à découvrir le travail de Fabio Viscogliosi, ses dessins qui lient les profondeurs de l’inconscient avec la surface de la vie (voyez avec votre libraire, surveillez les expositions). Si vous craignez qu’il n’habite le monde en poète, sachez qu’il est aussi l’auteur d’ouvrages très sérieux dans la collection Que sais-je ? (la collection concurrente de Que ne sais-je pas ?), traitant de sujets comme Les faux nuages, le beau geste, Dans le noir, Les plis dans la peau, ou encore ce Qu'est-ce qu'il a dit ? qui fait un bon point sur la question… Mes amis, continuons de bousculer ainsi le réel, il finira bien par céder. Fabio attaque aussi par la musique, et il vient de publier un roman : Je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit.

vendredi 29 janvier 2010

après une grande oeuvre, cure de koumis

Chaque fois qu'il vient d'achever une grande oeuvre, Tolstoï s'effondre psychiquement ; l'estomac refuse soudain de fonctionner, les sens se troublent et chancellent. Il faut qu'il s'en aille dans la solitude absolue, très loin de toute civilisation, dans la steppe, vers les Baschiks, pour reconquérir son équilibre moral en vivant dans une hutte et en faisant une cure de koumis. (Stefan Zweig). Mais qu'est donc ce mystérieux koumis ? Eh bien, chers petits curieux, c'est un vin résultant de la fermentation... du lait de jument. On l'appelle aussi lait de champagne. En France, on en parlait comme d'une "tisane rafraîchissante" à prescrire pour les maladies de poitrine, les inflammations et les névroses. Vivement que j'aie écrit une grande oeuvre ! Et si j'en fait une petite, je peux juste avoir un verre ?

mercredi 27 janvier 2010

fourchelangue dans mon jardin secret

M’est revenue à l’esprit une phrase absurde apprise et joyeusement répétée à tire-larigot, un sortilège qui faisait tourner la tête, et que je croyais inventé par ma famille. Je ne l’avais jamais vue écrite, preuve qu'il s'agissait bien d'un secret entre quelques personnes choisies. Or hier, je la tape par la queue, je la montre à… non pardon, je la tape en recherche sur Internet en me disant : c’est impossible que ça donne un résultat. Eh bien si, et ça porte même le nom de virelangue ou fourchelangue. Voici donc : Tes laitues naissent-elles ? Oui mes laitues naissent. Si tes laitues naissent, mes laitues naitront. Ce qui est infernal avec Internet, c'est de s'apercevoir à quel point ce qu'on croit singulier et original ne l'est pas le moins de monde. Mais une fois la surprise et la vexation passées, c'est finalement réconfortant de pouvoir s'échanger des petits trucs de jardinier.

mardi 26 janvier 2010

un petit pan de mur jaune pâle

Bonjour dame japonaise. J’avais quatre ans lorsque votre estampe fut accrochée au mur du salon. Dès lors, tout m’intrigua en vous : qu’y a-t-il dans vos cheveux ? au bout de la drôle de cigarette : votre main ou un animal ? on peut vraiment s’habiller avec des couettes ? Vous êtes triste ou pas ? Je savais qu’à cet endroit du mur quelque chose d’étrange se passait, et ce mystère caressait ma curiosité. Depuis, j’ai grandi, je comprends mieux votre étrangeté, mais toujours pas la mienne.

dimanche 24 janvier 2010

par télégramme, les pensées de mon âme

Cliquez sur l'image pour lire le texte de la carte.
Il est un créneau que l'administration postale a malheureusement laissé tomber et dont témoigne cet incroyable document photographique. En effet, il était possible avant la Seconde Guerre mondiale, d'envoyer par télégramme — un bleu, comme on disait fort joliment — carrément toutes les pensées de son âme. Je crois que cela fonctionnait à la manière de ces papiers japonais qui se déploient quand on les met dans un verre d'eau. Il paraît que certains utilisaient ce système pour eux-mêmes, s'envoyant régulièrement un télégramme pour y voir plus clair dans leurs pensées. La guerre a hélas fait disparaître trop de moustachus, pièces maîtresses sur lesquelles reposait ce délicat service.

samedi 23 janvier 2010

un signe de la main

Si vous répondez à ces enfants qui vous font signe de la main depuis l'intérieur d'un bus, aussitôt quelle joyeuse effervescence ! Ah, ça y est, on a capturé un adulte...!!! Juste bonjour, on est là, ça roule, et toi tu es là aussi, tu marches vers on ne sait où, c'est chouette, non ? Mais pourquoi, à un moment donné, est-ce qu'on arrête de faire ce genre de choses ? Euh... allez, demain je me mets à l'arrière du bus, et je me lance.

mercredi 20 janvier 2010

un exploit passé sous silence

En 1900, il se vendait encore à Paris 6000 cannes par jour. S'est-on seulement rendu compte du moment crucial où l'homme a réussi à marcher sur ses deux jambes sans l'aide de ce stabilisateur ? Le sexe fort aurait-il, au cours du XXe siècle, opéré une révolution discrète mais d’importance capitale, en larguant la troisième roue de son vélocipède ? La société n'est-elle pas entrée dans un âge dangereusement adulte ? La terre tourne-t-elle moins vite qu’elle ne fasse plus vaciller ses mâles arpenteurs ? La femme, c'est curieux, pourtant longtemps appelée sexe faible, ne semble jamais eu avoir besoin de s'appuyer sur cet accessoire sécurisant pour avancer. Un mystérieux pouvoir qui lui laissait les mains libres pour accueillir dans ses bras les moins assurés de ces adorables bipèdes.

lundi 18 janvier 2010

interlude à Casablanca


Le flou de l'image est dû à l'intense émotion générée par la scène. Tout le staff du tournage avait les larmes au yeux, et il faisait très chaud ce jour-là, à Casablanca.

samedi 16 janvier 2010

un bien étrange kaléidoscope

Un des plus beaux cadeaux qui m'ait jamais été donné est un kaléidoscope. Rien qu'en prononçant le nom de l'objet, on se sent déjà sur la voie de l'extase. Cette invention d'un physicien écossais est de la magie à portée de main, du baume pour les yeux. À ce propos, il me faut signaler que ce kaléidoscope offert avait une particularité troublante : il contenait dans un petit tube central... un jeu. Idée formidable à première vue, sauf que ce jeu n'était autre qu'un mikado, et qu'il ne fallait surtout pas oublier d'enlever les baguettes redoutablement pointues avant d'admirer les paradis multicolores. Je pense que Tata Mireille, auteur de ce cadeau, fréquentait des boutiques sado-masochistes, ce dont nous étions bien loin de nous douter dans la famille.

mercredi 13 janvier 2010

survoler le sens des mots

Il existe un papillon qui se nomme : Azuré du baguenaudier. J'ai cru que c'était une sorte de dandy dilettante, à cause de son nom. Je lui dois de plates excuses. Le baguenaudier est une plante qui joue à faire la haie entre les maisons, et qui sert de maison à l'Azuré. Quel rapport avec le verbe baguenauder ? Les plus érudits lèvent la main et répondent : "La baguenaude est le fruit du baguenaudier. C'est une espèce de gousse en forme de petite vessie pleine d’air et qui éclate avec bruit lorsqu’on la presse entre les doigts." Bravo, vous pouvez vous rasseoir. J'ouvre le dictionnaire : baguenauder signifie : s’amuser à des choses vaines et frivoles comme les enfants qui font claquer les baguenaudes en les crevant. Le dictionnaire se permet de ces jugements péremptoires sur ce qui est vain et frivole qui sont proprement ébouriffants et qui donnent des envies de révolution.

lundi 11 janvier 2010

voir les choses différemment

Parmi les méthodes pour voir la vie du bon côté, celle-ci n'est pas des moins intéressantes. Comme le montre le dessin, il est possible de se tenir sur la tête de manière assez naturelle et décontractée : une simple question d'habitude, un peu de concentration aussi. La vie se présente alors assez différemment ; disons que, contrairement aux apparences, cela remet parfois les choses à l'endroit. Ce n'est pas exactement la sensation de voler qui, elle, ne donne pas mal à la tête, mais ce n'est plus la sensation de ne pas savoir voler. Vous me suivez ?

samedi 9 janvier 2010

sans cerveau, pas d'hélice

Cette infinité de choses qui se passent dans nos cerveaux m'étourdit. Je pensais mettre l'image d'un cerveau en illustration mais c'est trop moche. Cependant, dans cette matière molle et blanchâtre pleine de circonvolutions tassée dans notre tête circulent toutes sortes de pensées, parfois poétiques, des images boréales, de tendres souvenirs, des rêves éblouissants, des questions infinies, des inventions magnifiques telles que le patinage à hélice, mais aussi de sombres ruminations, des doutes, des démons, des cauchemars abrutissants, des horreurs : un peu de tout, un grand bazar invisible, dont parfois quelque aperçu filtre par le regard. La plupart du temps, ça patine, on sent qu'on aurait bien besoin d'une hélice. Et même avec une hélice, encore faut-il oser se lancer...

jeudi 7 janvier 2010

sans les étoiles, pas d'humains

Il existe une généalogie directe entre le ciel et nous, un lien réellement matériel et consanguin entre les étoiles et les humains, cela est scientifiquement prouvé maintenant. Les enfants et les artistes savent d'instinct que les étoiles sont leur mère : ainsi parle Michel Cassé, scientifique astrophysicien ; je l'ai entendu à la radio qui a porté sa voix jusqu'à mon oreille tandis que lui, peut-être pendant ce temps-là, ne parlait pas.
La chanteuse Lhasa, qui vient de disparaître, disait : mes chansons sont mes étoiles dans la nuit. En voici une, belle et passionnée : El desertio.

lundi 4 janvier 2010

mais où sont les glaces Pelayo ?

Bonjour les enfants, les glaces Pelayo sont là ! Quand le haut-parleur de la camionnette qui passait dans le quartier lançait son cri tentateur, nos coeurs se mettaient à battre à tout rompre. Imaginez : il fallait localiser la voiture du marchand de glaces, courrir soutirer un peu d'argent aux parents toujours occupés à des broutilles, et retrouver la camionnette avant qu'elle n'ait changé de quartier. On ne quittait pas de l'oreille cette voix comme descendue du ciel, un défi à notre débrouillardise : bonjour les enfants, les glaces Pelayo sont là ! Oui, mais où, exactement ??? On dirait qu'elles sont derrière chez la mère Michounet.... Une folle course contre la montre s'engageait. Rien à voir avec le fait d'aller chercher son esquimau dans le congélo de la cuisine. Je n'hésite pas à le dire : les glaces Pelayo ont forgé une vraie génération d'aventuriers, à laquelle je suis fière d'appartenir. Je n'ai trouvé sur la toile autre trace de cette éprouvante épopée estivale rémoise que cette estafette, mais ce n'est pas du tout la voiture Pelayo que j'ai connue. La mienne était dorée et tirée par huit chevaux ailés.

dimanche 3 janvier 2010

brûlante humanité

Depuis que j'ai commencé à me comprendre moi-même, je comprends aussi une infinité de choses : le regard d'un être plein de désir devant un étalage peut me remplir d'émotion, les cabrioles d'un chien m'enthousiasmer. Désormais, je fais attention à tout, rien ne m'est indifférent. Je lis dans le journal (qu'autrefois je ne feuilletais que pour y chercher des distractions et des ventes aux enchères) mille faits quotidiens qui m'émeuvent...
Extrait d'Une nuit fantastique, une des merveilleuses nouvelles du recueil Brûlant secret, de Stefan Zweig.

vendredi 1 janvier 2010

quelle différence fait une seule journée

Pour ceux qui n'ont pas pu venir réveillonner à la maison ce 31 décembre dernier, voici la retransmission de la soirée. Le groupe a vraiment été du tonnerre, et le petit Jamie au piano nous a fait la surprise d'interprêter l'hymne de ce site. Un grand moment d'émotion.

Tonton Simon a ensuite repris le refrain avec entrain, mais j'ai coupé la séquence, parce qu'il avait un peu trop bu. J'en profite pour demander : est-ce que quelqu'un n'aurait pas embarqué par erreur les lunettes de cousine Margarette ?