mémoire en chemise

La maison de Reims, dans laquelle je n'étais pas retourné depuis le décès de ma mère en 1997, ayant été vendue et vidée, je me retrouvai avec deux grosses valises et quelques cartons qu'on m'avait soigneusement mis de côté et apportés dans le Sud-Ouest. Dans les cartons, des dossiers et des chemises, contenant toutes sortes de documents. A suivre...



chemise 3 



Âgée d'une dizaine d'années, je fondai avec deux camarades du quartier le Club des Troises, sorte de société secrète dont le règlement stipulait : ne pas avoir de secrets pour aucun des Troises, se prêter ses affaires et ses livres, essayer de faire des enquêtes, ne jamais se fâcher ou alors se réconcilier, ne jamais dévoiler l'existence du Club sauf en cas de nécessité absolue, porter toujours sur soi un certain petit carnet de bord. Nous avions notre système de codage de messages à base de chiffres, et nous prenions en filature les gens du quartier, notant leur signalement et déplacements. Nous tenions des réunions avec compte-rendu. Sur celui du 8 mars 1973, est écrit : on a joué à cache-cache.


chemise 2 


Le parcours scolaire et les jeunes années de la vie sont manifestement une période où, tel un rôti, vous vous trouvez bardé de toutes sortes de documents officiels parce que sans eux, sans ces fichus papiers en épais papier, nager, skier, jouer au volley, conduire et se conduire restent des activités incertaines et le monde est trop flou. Je ne me souviens plus ce que nageur scolaire recouvre comme style de nage.


document 1















Entrepreneuse de spectacles dès l’âge de 14 ans, je ne soupçonnais pas encore que des artistes — parmi lesquelles je figurais comme en témoignaient mes gracieux entrechats et mes hardies interprétations théâtrales — devaient être rétribuées. Dès lors, mon principal souci consistait à financer l’entracte et la loterie. N’assumant pas totalement mon entreprise culturelle mais néanmoins commerciale, je lançais mes spectacles sous forme d’invitations et m’excusais de demander cependant un peu d’argent en contrepartie. Un modèle économique qui n’est viable que dans une sphère relativement bienveillante. Je ne connaissais encore rien du vrai commerce.


Chemise 1 


Dans cette chemise, les années se mélangent : j'obtiens en 1983 une maîtrise de philosophie Ontologie et histoire de l'ontologie avec une mention Très bien alors que ma mémoire, toujours un peu sévère envers moi, ne m'octroyait plus qu'une mention Bien. Des numéros du journal littéraire "Le Paresseux" accompagnés d'une coupure de presse du 20 avril 1994 relatant cette aventure éditoriale. Une autre coupure de presse datée de janvier 1988 dans laquelle figure une interview de "l'animatrice Catherine Ternaux" qui se targue de réorienter des jeunes qui se sont fourvoyés dans des études qui, ma foi, ne leur correspondaient guère. Daté de 1994, une tentative d'écriture d'un roman pour la collection Harlequin, arrêtée à la page 60 sur ces mots : — Et vos affaires ? questionna David. Sont-elles en bonnes voies ? 
Parmi les documents non datés : un patron de blouse d'été recopié à la main, y compris les dessins (je devais à l'époque vivre dans une certaine insouciance qui fait naître aujourd'hui un brin de nostalgie), des notes d'hypokhâgne sur Marcel Proust, prises d'une écriture très tirée vers le haut et vers la droite ce qui semble indiquer que je n'y allais pas à reculons ;  et enfin un tapuscrit intitulé Le métier de Petit-Louis. Heureusement qu'il est précisé sur le document que je suis l'auteur de ce texte car je l'avais totalement oublié. C'est la nuit. L'orage a réveillé Petit Louis. Couché dans son lit, il regarde la fenêtre et le ciel illuminé par les éclairs. Entre deux grondements de tonnerre, Louis entend le ronflement de ses parents qui dorment dans la chambre à côté. Soudain, on gratte à la porte.







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