mardi 28 septembre 2010

voilà le grand secret

"Montparnasse était une tour de Babel édifiée sous l’empire d’une vision collective, durable et tout à fait insolite de la vie.[…] Des affranchis, voilà le terme exact. Des philosophes communiant dans une même disponibilité, une même sensation d’émerveillement devant la découverte que tous ils avaient faite et qui, l’un après l’autre, les acheminait, les guidait vers ce paradis à défricher, cette nouvelle terre promise ; devant cette découverte que la vie est inexprimablement simple, non pas élémentaire mais tout à coup miraculeusement limpide. Chacun de ces hommes venus des quatre coins du monde avait eu ce jour-là la même vision — sans effort, sans qu’il y soit préparé, la vie lui était apparue nue et cette révélation l’avait à tout jamais transformé, donnant à sa sensibilité, à son intelligence une orientation nouvelle. Et qu’est-ce que la vie nue ? Bien sûr la vie non habillée, nette de tout maquillage, de toute déformation, non pas moins captivante ou moins dramatique mais à l’état brut, absolument différente et je dis bien simple, d’une simplicité aveuglante, presque insoutenable. Voilà le grand secret… […] Je portais autour de moi les yeux […] L’homme se tenait à une distance incommensurable de lui-même et passait toute son existence à effacer jusqu’aux moindres traces du chemin qui l’aurait mené à la vérité. Toute cette peine qu’il se donnait, ce sérieux surtout qu’il mettait à remplir les jours, les heures, les minutes qui le séparaient de la mort de la même manière qu’un enfant remplit une page de jambages et de bâtons, cette impossibilité où il était de s’arrêter, de se voir, de se voir non pas métaphysiquement, avec le microscope de la conscience mais comme il voyait, comme il regardait une fleur, un oiseau qui vole, l’eau courante d’une rivière ; cet arsenal de lois qu’il portait avec lui et dont il s’affublait, cette fatale dépendance à l’égard de l’habitude, ce pas d’esclave, cette peur qu’il nommait raison, ce souci de la possession, cette crainte du jugement d’autrui, cet inlassable calcul, tout cela c’était l’homme et ce n’était pas lui."
Pierre Minet. La défaite (Allia)

lundi 27 septembre 2010

mon gros doudou

Je me suis rendu compte ce matin en cheminant qu'il me fallait avoir toujours avec moi un livre. Il se blottit au fond de mon sac, je le sais m'accompagner, au cas où. Au cas où quoi ? Son histoire est en cours, qu'il infuse et diffuse à travers mon sac. Il est là pour moi, je suis là pour lui. Cela m'a évoqué les doudous des enfants. Celui qui me rassure en ce moment est un pavé à la couverture grise, plein de philosophie et de sagesse : mon gros doudou à moi.
Photo Patrick Martinez

mercredi 22 septembre 2010

sondage : alouette contre grenouille

Ce que vous êtes patientes, petites grenouilles et petites alouettes qui fréquentez ce site plus ou moins naturel. Voilà quatre mois que vous attendez les résultats du sondage "Comment faut-il chanter ? La grenouille et l'alouette ne sont pas d'accord". Nos amis internautes ont voté pour vous gentille alouette à 45 %, et pour vous pauvre grenouille à 27 %. 38 % sont restés sans voix. Vous n'étiez point d'accord, vous voilà bien avancées. N'avez-vous point fini d'inventer des querelles stupides et de solliciter l'avis de ceux qui de toute façon n'y entendent rien ? Je vous soupçonne d'avoir juste voulu soulever avec ironie, comme de la terre le petit ver, le mot : cacophonie.

lundi 20 septembre 2010

en cas de problème, appeler mon cousin Shapu

Ce week-end, une violente dispute a encore éclaté à la maison. J'ai vite appelé mon cousin Shapu. Il a tellement l'art d'apaiser les esprits qu'on fait parfois exprès de se bagarrer pour le plaisir de son intervention.

dimanche 19 septembre 2010



Fraîcheur d'automne
où que je sois
c'est la maison des autres



Haïku d'Issa
Estampe d'Ippitsusai Buncho

samedi 18 septembre 2010

bleu, blanc, noir

L'argile est employé à façonner des vases
Mais c'est du vide interne que dépend leur usage.

Il n'est chambre où ne soient percées portes et fenêtres,

Car c'est le vide encore qui permet l'habitat.

L'être a des aptitudes que le non-être emploie.
Dao de Jing, XI

Ce petit bout de texte m'a rappelé un article aperçu récemment dans une revue scientifique, avançant l'hypothèse que les trous noirs seraient à l'origine de la formation des galaxies, donc des étoiles, donc de nous-mêmes. J'avais mis l'article de côté, pour le lire un jour prochain, mais je ne remets pas la main dessus. Il réapparaîtra bien à un moment, comme mystérieusement ressorti d'un trou.

vendredi 17 septembre 2010

rien n'est évident, tout est évident

Snoopy et Charlie Brown, de Charles Schulz, se promènent sur ce blog sans l'autorisation de l'United Feature Syndicate, ce qui n'est en soi pas très évident.

lundi 13 septembre 2010

petit rappel


nous sommes constitués d'atomes,
poussières d'étoiles ;
comment pouvons-nous à ce point
n'en entendre rien ?


dimanche 12 septembre 2010

de toutes les couleurs

Voici une photo prise sur le vif par une amie. Moment rare : un pique-nique, comme l'indique la légende, "entre amis". Ils sont venus nombreux : Cécilia la moutarde, Benn le paquet de chips, Jonathan l'oignon, Solange la salade de carottes, Louis le verre ordinaire, René le siège pliant dernier cri, Manuella la glaciaire (en robe rouge), et Célestine la table, sur qui l'on peut toujours compter pour peu qu'on ne lui chatouille pas trop les pattes. Tout ce joli monde semble attendre Pierrot le vin et Domi le gâteau à la noix de coco.

mardi 7 septembre 2010




"Quel est ce moi
dont je m'occupe ?
Un assemblage
informe de parties inconnues"
.

Et parfois invité
chez les Durand.


Beaumarchais
Composition "Arcimboldo"
de Bernard Pras.

lundi 6 septembre 2010

petite fraîcheur sur les épaules

"Oui, je le sais, nous ne sommes que de vaines formes de la matière — mais bien sublimes pour avoir inventé Dieu et notre âme. Si sublime, mon ami ! que je veux me donner le spectacle de la matière ayant conscience d'elle, et cependant s'élançant forcenément dans le Rêve qu'elle sait n'être pas, chantant l'Âme et toutes les divines impressions pareilles qui se sont amassées en nous depuis les premiers âges, et proclamant, devant le Rien qui est la vérité, ces glorieux mensonges !". Stéphane Mallarmé, Correspondance, 28 avril 1866.

mercredi 1 septembre 2010

ce que nous voyons, ce que nous faisons

Je vois souvent beaucoup d'étoiles au petit matin. Les étoiles ne sont rien d'autre que la lumière qui a voyagé des milliers de kilomètres à une extrême vitesse depuis les astres. Mais pour moi, les étoiles ne sont pas des êtres rapides, ce sont des êtres calmes, stables et paisibles. Nous disons : "Dans le calme devrait être l'activité ; dans l'activité devrait être le calme."
Sunryu Suzuki : Esprit zen, esprit neuf . Seuil, 1970.