lundi 27 février 2012

la parole à...

Hortense, lunette double foyer sur le nez de Catherine : "Je fais sans cesse le point sur la situation, mais je sens bien qu'on ne me fait pas confiance. Pourtant je suis ajustée très correctement, j'en ai les preuves, une ordonnance, comme au temps des rois. Elle pourrait donc faire profil bas au lieu de raconter que je fabrique des trucs qui n'existent pas. Qu'elle faiseuse d'histoires ! Franchement, je voudrais bien qu'elle m'oublie quelque part et qu'elle se cogne le nez. "

samedi 25 février 2012

les nouveaux contours de la réalité


Les lunettes sont arrivées : j'y vois beaucoup plus net, à condition de mettre la réalité à bonne distance. En fait c'est même trop net, et il m'est impossible désormais de croire à la réalité à cause de ces lunettes. Les choses ne m'ont jamais parues aussi irréelles, une illusion totale, un truc fabriqué par des lunettes. Il m'apparaît clairement, grâce à ces lunettes, que la réalité n'a pas de contours. Cela est très comique.


mardi 21 février 2012

une journée avec Kafka

ce matin, au lieu d'aller travailler, j'avais très envie de relire Kafka. Je me suis demandée en quoi consistait le courage à cet instant : aller au bureau, ou braver la contrainte de besogne et rester à la maison à relire Kafka (sachant que le logiciel qui gère mon temps de travail ne propose pas cette option de motif d'absence). J'ai pensé, bien que fort peu assurée de ma conclusion, que c'était d'aller au bureau. Cherchant l'arrangement, je me suis dit que je pourrais retrouver Kafka ce soir, s'il voulait bien néanmoins m'attendre (j'ai bien aussi en tête le problème des sortilèges...). Sur le chemin pour aller au bureau, j'ai pensé à Kafka, et plusieurs fois dans la journée aussi. C'était bien de simplement penser à Kafka, à ses histoires de château, de procès, de terrier... juste simplement y penser dans son cœur.

dimanche 19 février 2012


"Le maître est avant tout celui qui pointe en moi une dimension qu'aussitôt je reconnais pour être la plus essentielle. Penser à lui me met en rapport avec cette dimension. Il pointe le maître qui existe déjà en moi, la vérité de mon propre coeur que, pris dans l'affairement quotidien et l'obscurcissement des habitudes, je ne cesse d'oublier."

vendredi 17 février 2012

jour et nuit

*
Une de mes sources inépuisable d'étonnement est l'alternance du jour et de la nuit. J'en suis plus étonnée la nuit que le jour, car le jour je vaque à tant d'occupations que je ne vois même pas le jour qui me permet pourtant de faire toutes ces sortes de choses fort occupantes. La nuit veille sur mon repos, elle rend l'inquiétude lumineuse, et chuchote le secret d'un vertige. La terre et ma tête me tournent.

dimanche 5 février 2012

anémones au bar

Parfois, au bar du Coq d'Or, dans le brouhaha et la fumée, le regard d'un client effleure le vaste bouquet d'anémones. Une grande question sans mot se pose alors, sans inquiétude. Puis, la conversation reprend, entre deux verres de vin, ou de bière, mais quelque chose de doux s'est répandu dans les coeurs, imperceptible, et soudain vous n'avez plus peur.

jeudi 2 février 2012

anémones


"Se faire ensorceler — il n'y a rien de plus simple. C'est un des plus vieux trucs du printemps et de la terre : les anémones. Qui sont inattendues, d'une certaine manière. Elles surgissent des frémissements brunis de l'année écoulée, en des lieux négligés ou sinon le regard ne s'arrêterait jamais. Elles flambent et elles planent, oui, c'est ça, elles planent, ce qui est dû à la couleur. Cette ardente teinte violacée qui n'a plus de poids à présent. Car ici, c'est l'extase, même si elle est assourdie. "La carrière" — chose déplacée ! "Le pouvoir" et "la publicité" — choses ridicules ! Certes, ils avaient arrangé une grande réception, là-haut à Ninive, fait ripaille et moult ribotes. Rutilants — au-dessus des têtes, les lustres en cristal flottaient, tels des vautours de verre. A la place d'une pareille impasse, encombrée et bruyante, les anémones ouvrent un couloir secret vers une fête authentique, d'un silence absolu." [Tomas Tranströmer : Baltiques]

mercredi 1 février 2012

de l'évolution

J’ai vu ce matin une femme d’un certain âge avec un visage terriblement dur et fermé, on ne pouvait qu’en être frappé. Elle parlait à son mari qui dégelait la voiture. J’ai essayé d’imaginer le visage de cette femme enfant, puis enfant avec cette même expression. Impossible. Parfois les enfants essaient d’avoir l’air dur, mais cela ne fait que faire ressortir leur extrême douceur. Mais là, c’était dur à une grande profondeur sous cutanée. Deux écueils, donc : le mol engourdissement ou l’horrible durcissement. Restons vigilant. (photo sans trucage © Gilbert Jullien)