vendredi 29 mars 2013

la table d'orientation


Une partie de la ville est sur une hauteur, et entourée d'un long rempart. Le matin, j'en emprunte le chemin que je rends consciencieusement le soir. Aujourd'hui, le brouillard baignait le fleuve au pied du rempart, et tout alentour. Emergeaient de ce gris poudré la table d'orientation, d'une netteté étonnante et, timidement, des branches de prunus en fleurs. Entre la réalité et ce qui est censé aider à se situer, la différence est souvent des plus amusante.

mardi 26 mars 2013

A


     A la société des étoiles, de la lune et du soleil ;
     A l’océan, à l’air et au silence de l’espace ;
     A la jungle, au glacier et au désert,
     A la douce terre, à l’eau claire et au feu dans mon foyer.

     A une certaine cascade dans une haute forêt,
     A la pluie nocturne sur le toit et les larges feuilles,
     A l’herbe dans le vent, au tumulte des moineaux dans un buisson,
     Et aux yeux qui dispensent la lumière du jour



Dédicace d'Alan Watts au début de son ouvrage
 Amour et connaissance, 1958

vendredi 22 mars 2013

pistache terre ou chocolat gazon









*
Lorsque j'ai tourné la tête pour regarder le paysage, j'ai tout de suite pensé : chocolat/pistache : une glace à deux parfums. Puis je me suis dit qu'on pourrait aussi bien demander une glace terre/gazon. Ce n'est vraiment qu'une question de mots.



mercredi 20 mars 2013

*
*
Ce n'est que lorsque tout aura cessé de vous plaire ou de vous déplaire
que vous comprendrez tout...

[cité par Alan Watts dans Matière à réflexion]


dimanche 17 mars 2013

chemin perdu




Le dimanche, se dit-on, est un bon jour pour écrire, une journée qui se déroule devant vous comme un ruban de papier vierge, alors on s'installe au mieux et cela prend du temps, beaucoup  de temps, mais soudain un oiseau passe sous votre nez et on ne sait plus rien : comment tenir le crayon ? Comment lui faire prendre le chemin du papier ? Qu'y avait-il de si important à écrire ?

[estampe de Shunsen Katsukawa]

mardi 12 mars 2013

nous manquons de millimètres

"Vous rappelez-vous la crise des années 30 [aux Etats-Unis] ? L'économie de consommation était florissante et chacun vivait à l'aise. Du jour au lendemain, ce fut le chômage, la misère, des queues pour recevoir du pain gratuitement. La raison ? Les ressources physiques du pays restaient intactes, mais il se produisit une brusque raréfaction de l'argent liquide, un effondrement des cours. Les experts des problèmes bancaires et financiers, à qui l'arbre cache la forêt, ont à leur disposition toutes sortes d'arguments subtils pour expliquer en détail ce type de désastre. Plus simplement, ce fut comme si vous étiez venu aider à la construction d'une maison et que, le matin de la crise, le chef de chantier vous avait déclaré : 
— Désolé mon gars, on ne peut pas travailler aujourd'hui. Nous manquons de millimètres. 
— Qu'est-ce que vous voulez dire par : nous manquons de millimètres ? On a du bois, on a du métal, on a même des mètres à ruban.
— D'accord, mais vous ne comprenez rien aux affaires. Nous avons consommé trop de millimètres, et il ne nous en reste plus pour continuer..."

           Alan Watts : Matière à réflexion : 
pourquoi nous ne savons plus vivre, Denoël 1972




vendredi 8 mars 2013

le présent croustille (suite)



la phrase vient à vous, et vous vous dites : oui, c'est ça.

on pourra dire : non,
le présent ne croustille pas,
il est dur à se casser les dents,
ou : il est amer
ou : il est doux
ou : il est mou
ou : il est pourri

rien n'empêche, c'est comme une gaufrette
avec différentes couches,
et le fonds du présent, je vous dis : il croustille.


mercredi 6 mars 2013

le présent croustille


C'est amusant comme une phrase parfois vous tombe dessus au coin de la rue


le présent croustille



est venue à moi à dix-sept heure cinquante trois quand je passai devant le conservatoire de musique
des phrases dans la tête il en pleut comme à Gravelotte, mais certaines sont des petits rayons de soleil
ce n’était pas seulement la phrase qui s’est jetée à mon cou, mais le présent et le croustille
quelque chose dans l’air, humé, senti, savouré
                                                                          jusqu'au frisson