“Si l'hypnose bénéficie de nos jours d'un regain d'intérêt, elle le doit peut-être à un épuisement de l'individualisme occidental. Nous avons tout fait pour nous distinguer, pour nous mettre à part, pour cultiver nos différences. Mais nous sommes fatigués du souci de soi. Le tissu où nous voulions rendre visibles nos propres nuances est maintenant déchiré, l'autonomie est devenue une absence de liens. Force est donc de retrouver, à partir de l'individualité solitaire, le fond continu sur lequel nous l'avons découpée” [François Roustang : Qu'est-ce que l'hypnose ? Minuit, 1994. Source photo]
------------------------ un jour en haut, un jour en bas, le reste du temps au milieu -----------------------
dimanche 29 décembre 2013
dimanche 22 décembre 2013
la parole à...
… Clothilde, maille à l'envers dans le tricot d'un bonnet réalisé par Solange Mathurin : "J'ai toujours rêvé d'être une maille à l'endroit. Mais on ne choisit pas l'endroit où l'on naît. Ma vie est une suite de revers. Je vois rarement la lumière, parfois je me retrouve plaquée contre des cheveux. Le reste du temps, je reste cloîtrée au fond d'un tiroir. Ce qui me sauve ? La solidarité. Mes camarades et moi sommes très liées. Et même avec les mailles à l'endroit, même si on ne se voit jamais, on sait qu'on est là les unes pour les autres, ça compte." [photo de là]
samedi 7 décembre 2013
mardi 3 décembre 2013
jeudi 21 novembre 2013
soir d'automne
en remontant le boulevard ce soir sous la pluie
et le fleuve de la nuit
et le fleuve de la nuit
dans le tamis des yeux les pépites d'or
samedi 16 novembre 2013
tenir son intérieur
L'expression tenir son intérieur semble avoir disparu des usages, et pourtant j'y pense très souvent. Je l'aime bien. Elle évoque avec exactitude cette fuite permanente de l'intérieur de la maisonnée. Fuite vers où ? Mystère. L'animal intérieur peut vite redevenir sauvage. On ne peut que constater la débâcle, l'abandon du terrain à la saleté, à la poussière, aux moisissures, aux tâches, cette installation d'un désordre qui fait que l'on se cogne aux choses, quand elles ne se jettent pas sous vos pieds ; constater l'ensevelissement, la disparition, la perte.
Il ne faut pas néanmoins tenir son intérieur trop fermement, sinon il vous exclut, vous ne pouvez plus vous y mouler et, comme la corde d'un instrument de musique, il ne vibre plus avec justesse sous l'archet de votre présence.
Il ne faut pas néanmoins tenir son intérieur trop fermement, sinon il vous exclut, vous ne pouvez plus vous y mouler et, comme la corde d'un instrument de musique, il ne vibre plus avec justesse sous l'archet de votre présence.
samedi 2 novembre 2013
ça ne sert à rien de courir
Aux deux petites filles qui couraient devant lui en escaladant les bornes de pierre du trottoir, le monsieur-papa lança un autoritaire ça ne sert à rien de courir ! Oui, bien sûr, mais ça, elles le savent très bien les petites filles, ou plutôt ce n'est pas un souci, elles ont juste envie de courir, pour courir, parce qu'avoir deux jambes qui courent sur la terre, c'est vraiment un cadeau, un truc qui ne s'invente pas, qui ne coûte rien, qui ne pollue pas, alors monsieur-papa, vous avez à ce point oublié ?
dimanche 27 octobre 2013
parfois plume
J'avais commandé ce livre chez le libraire quand la nuit même précédent l'acquisition de l'ouvrage, je rêvai que je volais. J'effectuai également des sortes d'entrechats qui me propulsaient très haut, et je retombai lentement sur le sol, comme une plume.
Le livre commence ainsi : "On croit vivre ailleurs que dans ses rêves, mais faisons l'hypothèse inverse : nous ne les avons jamais quittés, nos rêves nous veillent."
mercredi 23 octobre 2013
vendredi 4 octobre 2013
dimanche 29 septembre 2013
les inexplicables
J'ai entendu cette chanson pour la première fois dans sa version chinoise, diffusée dans un grand magasin de Shangaï ou Pékin, je ne me souviens plus exactement. Le refrain donnait quelque chose comme : Nanitsi, Nanitsi, brother Louis Louis... J'ai tout de suite beaucoup aimé cette chanson. Ne me demandez pas pourquoi, je n'en ai aucune idée.
jeudi 26 septembre 2013
vent, dit le chat
Le mien compagnon me raconte qu'il a rêvé que le chat de la maison, un peu ébouriffé, parvenait à prononcer le mot : vent.
Le chat lui disait : - "Vent".
A ce propos, un entretien avec Anne Dufourmantelle vient d'être publié sur le site de l'Inrees, au sujet de l'intelligence des rêves.
"Il faut prendre soin de ce qui, en nous, est capable de rêve. "
mercredi 25 septembre 2013
un point sur la situation
Tricoter est fascinant. Imaginez : vous avez d'un côté deux longues baguettes, de l'autre un long fil de laine. Et puis, maille après maille un pull apparaît, ou un bonnet, ou une écharpe, ou de petits chaussons, ou encore une souple couverture pour les froides soirées d'hiver. Toutes ces choses apparaissent très doucement, parce ce que vous entrelacez le fil avec du vide. En ce cas, comprenez bien, ce n'est plus un bonnet que vous portez sur votre tête, mais un chapeau magique.
samedi 21 septembre 2013
horaires d'ouverture
Passant devant ce magasin vers 13h, cette bonne nouvelle m'arrêta. Quelqu'un ou quelque chose sur cette terre avait enfin tout compris à la vie. Une telle boutique se méritait d'être ouverte 24h sur 24 ! Eh bien non, même pas, de petits horaires mesquins de 9h à 12h et de 14h à 18h.
vendredi 13 septembre 2013
do you know ?
Do you know why my name is Jack ?
Why ?
That's why.
Savez-vous pourquoi mon nom est Jack ?
Pourquoi ?
Voilà pourquoi.
Or, walking the same or differents
paths
The moon follows each
Ou, qu'on emprunte le même ou d'autres
sentiers
La lune suit chacun
mardi 10 septembre 2013
dimanche 8 septembre 2013
nos jours qui n'existent pas
"... les choses tournent mal à partir du moment où l'on prend la fiction pour la réalité. En 1752, par exemple, le gouvernement britannique institua une réforme du calendrier : le 2 septembre de cette année devenait le 14 du même mois. Résultat : une quantité de gens s'imaginèrent que onze jours avaient été retirés à leur vie et se précipitèrent à Westminster en criant : "Rendez-nous nos onze jours !" [Alan Watts : Le livre de la sagesse. Denoël]
mercredi 4 septembre 2013
une fenêtre dans l'esprit
Plus grand est le scientifique, plus il est impressionné par son ignorance de la réalité et plus il conçoit que ses lois et étiquettes, descriptions et définitions sont le produit de sa propre pensée. [...] Plus il l'analyse l'univers dans l'infinitésimal, plus il trouve de choses à classifier et plus il perçoit la relativité de toute classification. Ce qu'il ne connaît pas semble augmenter en proportion de ce qu'il connaît. Il s'approche sans cesse du point où ce qui est inconnu n'est plus un simple espace blanc dans une toile de mots mais une fenêtre dans l'esprit, une fenêtre dont le nom n'est pas ignorance, mais étonnement. [Alan Watts]
lundi 2 septembre 2013
j'ai bien fait de l'oublier
Ayant entrepris une opération de rangement de mon bureau, je tombai sur un manuscrit dont je ne me rappelais pas l'existence. Il s'agit d'un texte destiné à la jeunesse, et en lisant le titre, La plus petite pizza de la terre, je me suis exclamée Oh mon dieu ! Vous piaffez d'impatience d'en savoir plus, alors... Joachim était parti fâché de la maison. Une fois de plus sa mère venait de déclarer d'une voix flûtée que Louis était le plus gentil petit garçon de la terre. — Non. Mon frère est la plus grosse andouille de la terre, murmura Joachim plein de rage. Joachim s'enfuit de la maison, et se retrouve chez des géants qui participent au concours de la plus petite pizza...
vendredi 30 août 2013
sans aucun mot
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Maintenant, regardez autour de vous en imaginant que les mots n'existent pas, qu'ils n'ont jamais été inventés, pas de langage, rien n'est nommé, ni emmagasiné, rien n'est compris. Rien entre vous et le monde. Vous voyez ?
*
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mardi 27 août 2013
électro
Ne vous inquiétez pas pour le bruit, c'est normal, m'a dit le spécialiste en blouse blanche. On aurait dit une machine à laver brassant du linge quand on a oublié des choses dans les poches qui viennent frotter sur le hublot. La deuxième sorte de bruit a été plus explicite, comme une pompe qui refoulerait de l'eau. Ouah, c'est le bruit de mon coeur ! me suis-je dit (au premier bruit, je n'avais pas compris, je ne savais pas que la machine du spécialiste était sonore). J'ai été très émue et impressionnée : quelle activité là-dedans ! Cela m'a rendu très tangible, et fière de moi, et de mon coeur qui bat.
ce genre de partition
samedi 24 août 2013
lundi 19 août 2013
l'astuce
A la question Comment faire pour sculpter un éléphant, Michel-Ange aurait répondu : prendre un bloc de pierre et retirer tout ce qui n'est pas l'éléphant.
Ainsi, pour mon roman, prendre un gros tas de phrases et retirer tout ce qui n'est pas mon roman.
jeudi 15 août 2013
mardi 9 juillet 2013
au bord de la rivière
Allongé sous le saule
regardant les branches légères se délier dans le vent,
n'est-on pas en réalité penché sur la rivière
et ses algues dans le courant ?
mardi 2 juillet 2013
le portrait
Quand je suis rentrée à la maison, un nouveau portrait était accroché au mur de la pièce principale (celle où l'on mange). — Tiens, me suis-je dit, un portrait de Jean-Paul, une vision de Jean-Paul jeune, peint par notre amie Geneviève. Quelques minutes plus tard, je rejoins Jean-Paul dans son bureau (autre pièce principale) et il me dit : — En voyant ce portrait chez Geneviève, j'ai tout de suite pensé que c'était toi, vraiment toi.
J'ai cru qu'il parlait du perroquet sur l'épaule, mais non. Voilà bien une énigme.
mardi 25 juin 2013
réchoupiller
Ma mère, originaire du nord-est de la France, employait le verbe réchoupiller. "Cela va nous réchoupiller !", déclarait-elle avec les signes avant-coureurs d'un bien-être partant de la plante des pieds et courant jusqu'à la racine des cheveux. Prononcer le verbe était magique et faisait s'épanouir un sourire dans l'air. Parmi les situations les plus réchoupillantes, boire du champagne était sans conteste la plus imparable. Mais nous n'en abusions pas, nous contentant souvent d'un simple verre de quintonine.
samedi 22 juin 2013
rencontre avec l'auteur
"On dit que Machiavel se préparait parfois à lire
en revêtant des habits de l'époque de l'auteur
dont il lisait l'oeuvre, puis qu'il dressait une table
pour deux. Tel était le signe de son respect
pour le cadeau fait par l'auteur, et peut-être
un signe de la compréhension tacite de Machiavel
du sens de la rencontre."
[Proust et le calamar, de Maryanne Wolf]
vendredi 21 juin 2013
mardi 18 juin 2013
écoute !
Ce matin je me suis réveillée à l'heure de pointe dans le métro. Je n'étais pas seule, mais un peu quand même. Les autres personnes ne semblaient pas étonnées d'être là. Les uns regardaient un petit journal de papier, les autres l'écran d'une petite machine. Certains, épuisés, dormaient dans la lumière blanche. Il y avait derrière tout cela ce léger bruit, comme un chant d'oiseau.
dimanche 16 juin 2013
le potager
Chaque matin de la semaine, je passe devant le potager. C'est un potager exilé au coeur de la ville, sur un coteau de jardin public. Le vieux monsieur qui s'en occupe amoureusement porte une moustache, et une salopette bleue. Le potager est entouré d'un grillage et son entrée est fermée à clef. Le vieux monsieur cultive aussi des roses. Je lui ai lancé, à travers le grillage : "Il est beau votre jardin !". Il a souri, baissé les yeux et bredouillé, parlé de la pluie et du mauvais temps. Puis, nous nous sommes souhaité bonne journée. J'ai continué de descendre l'escalier et rejoint le bitume de l'avenue sur lequel poussent les voitures.
lundi 10 juin 2013
le mystère Naima
Un collègue de travail cherchant à partager les frais d'un professeur particulier de saxophone, c'est ainsi que je m'étais retrouvée à jouer de l'instrument dans une cave avec un petit groupe. Le musicien qui avait la patience de nous initier à son art nous confia qu'un jour, ayant entendu John Coltrane jouer Naima, il avait tout quitté pour suivre ces quelques notes de musique et devenir saxophoniste. J'avais été très impressionnée, et surprise quand il avait proposé aux pauvres néophytes que nous étions de jouer le morceau. Que nous le massacrions allègrement ne semblait entamer en rien sa magie. Nos fausses notes, curieusement, et notre application maladroite, semblaient autant d'hommages que Naima embrassait dans son mystère.
vendredi 7 juin 2013
quinte et quintette
vendredi 31 mai 2013
vacances
Parfois,
ma tante nous emportait dans sa deux-chevaux jusqu’à sa maison de campagne à
Nanteuil-la-fosse (village rebaptisé de manière plus attractive, quelques
années plus tard, Nanteuil-la-forêt). Nous passions la journée dans ce tout
petit pavillon imprégné d’une tenace odeur de mastic et entouré d’une parcelle
de terrain de quelques dizaines de mètres carrés mais qui paraissait vaste car
il jouxtait un champ immense, dont malheureusement des barbelés, avant-poste du
dieu Tétanos, nous séparaient. Je regardais les vaches, j’attrapais les
papillons, je participais aux tâches de jardinage, je faisais semblant de lire
en haut de la butte au soleil couchant. Quand nous rentrions le soir, sur la
banquette arrière de la deux-chevaux qui donnait l’impression d’être transportée
à dos de chameau, je me donnais des airs de reine en exil.
Extrait d'un texte paru dans le magazine
mercredi 22 mai 2013
musique secrète
Quand on épluche les légumes dans le silence, on peut entendre le concert que donnent les lutins installés entre la peau et la chair de la pomme de terre, de la carotte ou du navet. Je parle de vrais légumes, avec de la vraie terre dessus, et du vrai silence. Alors oui, le concert peut être donné.
lundi 20 mai 2013
interminablement la pluie
Je lis actuellement, hasard météorologique, les écrits de Nagaï Kafû, auteur du bel Interminablement la pluie. Internet offre la magie de découvrir des portraits de l'écrivain japonais (1879-1959), tous plus étonnants les uns que les autres. Quand je vois ce genre de visage, cela me rappelle toujours ce qu'avait dit un jour en cours mon professeur de philosophie, à savoir que notre visage est façonné par nos pensées et notre vie.
mercredi 8 mai 2013
« Lorsque l’on a pris conscience de la distance infinie qu’il y aura
toujours entre deux êtres humains, quel qu’ils soient, une merveilleuse
« vie côte à côte » devient possible. Il faudra que les deux
partenaires deviennent capables d’aimer cette distance qui les sépare et grâce
à laquelle chacun des deux aperçoit l’autre entier, découpé dans le ciel ». Rilke
samedi 27 avril 2013
un avis de passage
- Mais c'est quoi ces histoires de fromage maintenant ?!? Franchement madame Ternaux, vous ne feriez pas mieux plutôt de vous occuper de votre roman ? J'ai croisé Mélanie l'autre jour au café du coin (celui qui est sur la place) : elle tourne en rond.
En tant que personnage même pas retenu pour votre roman, je ne devrais pas ramener ma fraise sur votre histoires de fromage, mais tout de même...
Puis-je vous aider ?
Stéphane
En tant que personnage même pas retenu pour votre roman, je ne devrais pas ramener ma fraise sur votre histoires de fromage, mais tout de même...
Puis-je vous aider ?
Stéphane
lundi 22 avril 2013
amour micron
Il y a peu de choses que je n'aime pas manger, le roquefort en fait partie, mais en vérité je ne peux même pas dire que je n'aime pas : j'aime en toute petite quantité, de l'ordre du micron.
samedi 13 avril 2013
une journée professionnelle de printemps
Lors de cette journée des professionnelles de la profession, m'a été distribuée une cartographie de mon métier afin que, sans doute, je puisse voir exactement où "je suis ici". C'était un joli jour de printemps. Bien qu'enfermée dans un austère amphithéâtre néonisé, je sentais, dehors, danser les pollens. Autour de moi froufroutaient les conversations, et même les sigles, habituellement raides et obtus comme des piquets, évoquaient de turbulents insectes. Tout était tellement vivant. Sur mon pupitre, des pissenlits au coeur rose vif avaient même fleuri.
lundi 1 avril 2013
jours fériés
"Je n'ai rien fait d'aujourd'hui.
— Quoi ? N'avez-vous pas vécu ?
C'est non seulement la fondamentale
mais la plus illustre de vos occupations..."
Montaigne, Essais
vendredi 29 mars 2013
la table d'orientation
Une partie de la ville est sur une hauteur, et entourée d'un long rempart. Le matin, j'en emprunte le chemin que je rends consciencieusement le soir. Aujourd'hui, le brouillard baignait le fleuve au pied du rempart, et tout alentour. Emergeaient de ce gris poudré la table d'orientation, d'une netteté étonnante et, timidement, des branches de prunus en fleurs. Entre la réalité et ce qui est censé aider à se situer, la différence est souvent des plus amusante.
mardi 26 mars 2013
A
A la société des étoiles, de la lune et du soleil ;
A l’océan, à l’air et au silence de l’espace ;
A la jungle, au glacier et au désert,
A la douce terre, à l’eau claire et au feu dans mon
foyer.
A une certaine cascade dans une haute forêt,
A une certaine cascade dans une haute forêt,
A la pluie nocturne sur le toit et les larges
feuilles,
A l’herbe dans le vent, au tumulte des moineaux
dans un buisson,
Et aux yeux qui dispensent la lumière du jour
Dédicace d'Alan Watts au début de son ouvrage
Amour et connaissance, 1958
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